pour son grand-père Joseph Peigné
Saprë pâren
D'abor tu të pwen mon pâren
Tu të mon grenw-pér
É a të kou, jë sé a màytyë boukë
Tu m'â lésë tou sël koom en grenw fi d'gars
T'é parti d'l'awt bor an pleen fors de l'âj
T'avë kày ? A peen katrë-ven-trèz enw ë dmi
Men sman t'avë kor tout ta tét
É tu të kor ben avizë
Meem kë n'yavë pu gér kë ta tét ki marchë
Lë rëst të pu kotë a l'argus
Tu vàyë gout t'antandë haw
É té protéz të boon a fout a la jây
Men sman dé fày tu nou fëzë buyë
É d'awt fày tu nou fëzë pisë d'rir
Avék té vyèyz istwér dë dan l'tan
Pi t'é parti é s'é tou kon
J'é pu d'karant enw é j'më san koom orfelen.
J'irë pwen fleurir ta tonb a la Tousen.
J'irë pwen
J'rësrë la tou seul dan mon kwen
É j'më rakontré een de téz istwér
La syeen dë la bik a la Mér Kouyaw
Ou la syeen dë la Mér Jâtyaw
Ou ben een dé fab de la Fonteen
Een kë t'avë apriz kan tu të gos
Men sman j'kawzrë avék té mo a tày
Lé syen k'tu m'â doonë
Lé syen k't'avë markë dan ton pti kalpen
S'é pwen kenw on lé mé an tér
K'lé jenw i mër pour de bon
S'é kenw on pans pu a yeu
Tu peu dormir su té deuz ourày
Mày, j'penws souvan a tày
Bon, bë deem, s'é pâ l'tou
Jë n'vâ pwen t'anbétë pu lontan
A tout a l'ër !
Sapré (sacré) parrain.
D'abord tu n'étais point mon parrain,
Tu étais mon grand-père.
Et de toute façon,je suis à moitié bouqué (vexé).
Tu m'as laissé tout seul,comme un grand imbécile.
Tu es parti de l'autre bord en pleine force de l'âge.
Tu avais quoi ? A peine quatre-vingt-treize ans et demi
Mais seulement, tu avais encore toute ta tête
Et tu étais encore bien avisé.
Même que n'y avait plus guère que ta tête qui marchait.
Le reste n'était plus coté à l'argus
Tu voyais goutte et tu entendais haut
Et tes prothèses étaient bonnes à foutre à la jaille
Mais seulement, des fois, tu nous faisais chialer
Et d'autres fois, tu nous faisais pisser de rire
Avec tes vieilles histoires de dans le temps
Et puis t'es parti et c'est tout con
J'ai plus de quarante ans et je me sens comme orphelin
Je n'irai point fleurir ta tombe à la Toussaint.
Je n'irai point
Je resterai tout seul dans mon coin
Et je me raconterai une de tes histoires
La sienne de la bique à la Mère Couillaud
Ou la sienne de la Mère Joteau
Ou bien une des fables de La Fontaine
Une que tu avais apprise quand tu étais gosse
Mais, seulement, je causerai avec tes mots à toi
Ceux que tu m'as donnés
Ceux que tu avais marqués dans ton petit calepin
Ce n'est pas quand on les met en terre
Que les gens meurent pour de bon
C'est quand on ne pense plus à eux
Tu peux dormir sur tes deux oreilles
Moi, je pense souvent à toi
Bon, eh bien dame, c'est pas le tout
Je ne vais pas t'embêter plus longtemps
A tout à l'heure !
Cette lettre a été "écrite" en patois du Pays de la Mée... Ce patois, aussi appelé gallo, est plus facile à parler qu'à dactylographier !
Vous pouvez retrouver d'autres textes, ainsi que des vidéos sur le site des Fâillis Gueurzillons.
4 commentaires:
Pour avoir assisté cet hiver à un spectacle de nos sympathiques Gueurzillons Jean-Marc et Jacques, on reste sous le charme...Nos deux compères savent ainsi ressusciter à merveille, avec brio et malice, la vie campagnarde d'autrefois en Pays de la Mée. En les écoutant, on est également transporté dans les veillées d'antan !
Il est vrai que leur(s) spectacle(s) déménage(nt)
Le Pays de la Mée est bien défendu !
J'ai aussi assisté (plusieurs fois !) à ce spectacle de haute qualité. Merci d'avoir transmis ce beau texte
Je vous envie de les avoir vus ces "joyeux lurons" leur notoriété n'est pas encore arrivée jusque là .. bien que je connaisse déjà leurs vidéos .. et je ne manquerai pas d'aller voir leur spectacle si l'occasion m'en est donnée .. lors d'un retour aux sources, en voisine du Pays de la Mée.
Cette lettre est pleine de chaleur et de tendresse, dite en gallo elle doit vous remuer les tripes !!!! Magnifique ..
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